Les relations entre l’Ordre et le monde associatif
Au départ, il faut se rappeler que ce sont les associations professionnelles qui, à partir de la fin du XIXe siècle, se sont mobilisées pour obtenir la protection du titre et de l’exercice de la profession d’architecte (en rassemblant leurs efforts au sein de la FAB créée en 1905), ce qui a permis d’aboutir à la loi de 1939. Celle-ci a institué le monopole, lequel a cependant été depuis régulièrement remis en question par les autres partenaires de l’acte de construire (et singulièrement les entrepreneurs et promoteurs) mais également par certains architectes qui préféreraient pouvoir pratiquer l’architecture dans un cadre plus souple (permettant notamment de pouvoir fonctionner en tant que promoteurs de leur réalisations).
La création de l’Ordre, en 1963, elle aussi obtenue grâce à l’action du monde associatif, a cependant eu pour conséquence d’affaiblir ce dernier en le vidant de ses forces vives :
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parce que beaucoup d’architectes confondent le rôle de l’Ordre (qui est au service de la société) et celui des associations professionnelles (qui sont au service des architectes) et ne voient pas l’intérêt d’encore se faire membre, d’une manière volontaire, d’une association ;
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parce que l’ordre dispose de plus de moyens (financiers, logistiques), ce qui attire les architectes qui veulent s’engager pour la profession (en bénéficiant justement de jetons de présence alors que l’action associative est bénévole).
Or, si en théorie sa raison d’être et sa mission est d’établir la déontologie et de veiller à l’honneur, à la discrétion et à la dignité des membres (et alors, par exemple, que dans la pratique le clé sur porte prévaut toujours, les sanctions disciplinaires sont rares dans ce domaine) l’Ordre déborde de ce cadre pour organiser des initiatives de services (qui étaient du ressort du monde associatif, lequel est malheureusement limité dans ses moyens alors que l’Ordre fixe des cotisations que les architectes doivent payer pour exercer leur profession.
L’existence en parallèle de ces deux types de structures a malheureusement pour effet d’offrir une image confuse des structures professionnelles, notamment par rapport au public et au monde politique (qui ne sait pas toujours à qui il doit s’adresser), et de disperser les moyens disponibles. Dans certains cas et à propos de certaines questions, on voit même s’opposer ces structures (avec parfois des différences « communautaires » par le fait , notamment, que de nombreux mandataires de l’Ordre flamand sont affiliés à la NAV) ?
Suite à certaines initiatives (comme celle du président Robaye en 1993) ou à l’occasion remises en question (comme celle de la scission de l’Ordre), certaines propositions de collaboration ou d’organisation de la concertation voire même de regroupement ont été avancées mais elle n’ont malheureusement pas réellement abouti.
Chronique des relations entre l’ordre et le monde associatif durant les trois dernières décennies
1990 : Création du "Vlaamse Overleg", instance qui réunit régulièrement les représentants des conseils de l'ordre et des associations professionnelles flamands.
1991 : Des "Etats Généraux des Architectes francophones" sont organisés à Liège par la SAF. Les conclusions de cette journée intéressantes seront longues à rassembler et peu suivies d'effets. Des Etats généraux sont également organisés du côté flamand, à Louvain, sous l'impulsion de Jan Ketelaer, membre de l'UPA, ancien Président de la BVA, devenu entretemps Président du CNOA.
1993 : Le Président du CNOA, Bert Robaye, lance le projet de création d'un Institut National de l'Architecture (INA) rassemblant toutes les composantes de la profession (Ordre, associations, instituts d'enseignement et organismes culturels), suite à une concertation entre l'Ordre et la FAB, appelée COLOCO (Coordination-Logistique-Communication) qui réalise une enquête sur les structures professionnelles.
1994 : Arrêt du 28 octobre 1994 qui annule la cotisation modulée suite à une action introduite par le Forum des Architectes. Dans sa motivation cet arrêt évoque notamment le fait que l'argent récolté n'a pas toujours été affecté et a servi à constituer une réserve non nécessaire. Malgré le fait que l'arrêt ne statue pas sur le fond, l'Ordre préfèrera supprimer ce mode de calcul de la cotisation qui sera ultérieurement regretté par de nombreux (jeunes) architectes.
1995 : Création d'un organe de concertation entre les différentes instances professionnelles (Ordre, associations) : le CPO (Concertation Permanente - Permanente Overleg). Cet organe sera réuni plus ou moins régulièrement par la suite, à l'initiative des présidents du CNOA. Cet organe de concertation perdurera du côté flamand sous la forme du Vlaamse Permanente Overleg (VPO) tandis que du côté francophone, il sera remplacé par des Chambres bruxelloise et wallonne (mais qui perdront leur fonction de concertation pour devenir des instances exclusivement ordinales).
2003 : Soirée du 40° Anniversaire de l'Ordre. Cette soirée constitue l'aboutissement de réunions de réflexions, menées du côté francophone (réunions réunissant des représentants des 4 "piliers" de la profession : Ordre, associations professionnelles, enseignement et médias) et du côté néerlandophone (un colloque thématique a été organisé dans chacune des 5 provinces).
2004-2005 : Les "Action Communes des Associations d'architectes francophones et germanophones de Belgique"- (qui rassemblent l'AAMs (Mons), l'AABW (Brabant wallon), l'AAPL (prov. Luxembourg), les A-B, l'ARAC (Charleroi), l'ARAHO (Tournai), l'ARALg (Liège), la SRAVE (Verviers) et l'UPA-BUA)- organisent deux journées de conférence et de travail sous le titre de "Le barème ! Et après ?..."
2004 : Le 10 mars, l’institut d’architecture La Cambre présente son livre blanc sur l'architecture contemporaine en Belgique "Qui a peur de l'architecture ?", réalisé à l'occasion de son 75° anniversaire, grâce à un subside de la Communauté française. Ce document, rédigé par un groupe ne comportant pas de représentants des instances professionnelles comporte 13 recommandations : 12 d'entre elles sont des pétitions de principes générales, tandis que la 10° préconise de revoir la représentativité et les fonctions de l'Ordre des architectes et d'envisager la suppression ou la limitation du monopole. Cette prise de position très désinvolte heurte le monde associatif.
2013 : Le 19 décembre, réunion "de la dernière chance" rassemblant des représentants de l'Ordre et des associations face au représentants des 8 partis impliqués dans la réforme de l'Etat. Durant cette réunion, le monde associatif expose son opposition aux chambres régionales (de l’Ordre) en tant que représentatives de l'ensemble de la profession notamment sur des questions qui sortent, selon elles, des missions de l'Ordre. Suite à cette réunion, le CfgOA décide de ne plus inviter les représentants de l'AriB (Architects in Brussels) aux réunions de la Chambre bruxelloise. L’Union Wallonne des Architectes quitte le Chambre Wallonne (notamment parce que c’est l’Ordre qui fixe l’ordre du jour de ses réunions). Ces chambres, destinées au départ à être des organes de concertation, deviennent des instances d’action professionnelle dépendant uniquement de l’Ordre .
2015 : Au printemps, suite à une démarche de sénateurs de la NVA, discussions sur la réforme de l'Ordre entre des représentants du gouvernement et instances professionnelles : les associations professionnelles et le Vlaamse Raad partagent un même point de vue sur le recentrage des activités de l'Ordre sur ses missions légales alors que le CfgOA plaide pour un élargissement de ses missions.
2020 : Lors des dernières tentatives de relance d’une éventuelle réforme de l’Ordre, celles-ci ne donnent aucun résultat en raison de ce clivage persistant.